Un bouquetin difficile à suivre...
Mai 2018 : les équipes du Parc national des Écrins capturent un bouquetin mâle aux Auberts, dans la vallée de Champoléon (Champsaur). Dans le cadre du programme européen LEMED-IBEX, il est équipé d’un collier GPS pour mieux connaître ses déplacements. Son surnom : Sirac.
Quelques mois plus tard, son collier cesse d’émettre et le Parc national perd sa trace… Au printemps 2019, il est aperçu au même endroit par Rodolphe Papet, technicien du patrimoine dans le Champsaur, qui parvient à télécharger à distance les données stockées dans son collier. Puis l’animal quitte de nouveau Champoléon.
Sa trace n’est retrouvée que cet été, en août, lorsque son cadavre est découvert au lac Lauvitel (Oisans) par les propriétaires du chalet L'éterlou qui préviennent alors les gardes-moniteurs du secteur. Grâce au collier GPS récupéré, 4 mois supplémentaires de données ont pu être étudiés. Et le résultat est surprenant !
Le bouquetin Sirac en avril 2019
Une migration exceptionnelle
Pendant au moins 2 années consécutives, Sirac est allé passer l’été à proximité du lac Lauvitel. Ces migrations estivales ne sont pas inhabituelles chez les bouquetins mâles. Ce qui est exceptionnel dans le cas de Sirac, c’est le parcours emprunté – quasiment toujours le même – et la distance parcourue : entre la vallée de Champoléon et le lac Lauvitel, pas moins de 62 kilomètres en respectant les altitudes ! (les bouquetins ne descendent pas en plaine) À titre de comparaison, les migrations des bouquetins excèdent rarement la vingtaine de kilomètres habituellement...
Il s’agit d'ailleurs de la plus grande migration connue à ce jour d’après une étude récente menée par Victor Chauveau sur 425 bouquetins équipés de colliers GPS et appartenant à 16 populations alpines.
Migrations du bouquetin Sirac entre le printemps 2018 et l'été 2019. La régularité du parcours emprunté est impressionnante !
Et quid de son origine ?
L’ultime question qu’on est en droit de se poser : Sirac était-il champsaurin ou uissan (= habitant de l’Oisans) ? Rodolphe Papet nous livre son interprétation : « Pour moi, il était originaire de la colonie du Valbonnais-Oisans. Il regagnait chaque fin d'automne les adrets de Champoléon pour participer au rut et avoir l'opportunité de rencontrer les 120 femelles qui hivernent dans cette vallée ! »